Avec ou sans mors ?

La question peut sembler déplacée pour beaucoup, tant l’usage du mors est répandu et admis comme une affaire entendue depuis des lustres…Pourtant quelques voix « dérangeantes » se font entendre actuellement et qui prônent l’abandon du mors. Est-ce juste une question de mode ou s’agit-il vraiment d’une idée d’avant garde qui se développera? Quels sont vraiment les effets du mors ?

Il est difficile d’y voir clair tant les opinions des uns et des autres sont tranchées et tant la question soulève de polémiques, parfois virulentes! Pourtant il doit bien être possible de s’entendre sur ce point: comment peut on espérer résoudre des problèmes autrement plus graves sur la situation du monde, si dans notre tout petit monde équestre nous ne pouvons même pas faire la paix sur des sujets « plus légers » ?

Déjà, il faudrait s’entendre sur l’action du mors et ses effets :

Selon le Dr Cook et le Dr Strasser (vétérinaires) le mors cause de grands dommages au cheval, au niveau de sa bouche, de son organisme entier, et de son mental, même s’il est juste dans la bouche sans action sur les rênes. Cette étude est très intéressante et à prendre au sérieux… mais y a t-il eu d’autres études scientifiques confirmant ou infirmant celle-ci ? Je ne sais pas… affaire à suivre! (site du Dr Cook : www.bittlessbriddle.com).

D’après l’éthologue Marthe Kiley Worthington (qui est venue au club cet été), l’étude de Elwyn Hartley Edwards (1963) range nos mors « doux » classiques (mors brisé simple, à olives, verdun ou à aiguilles) parmi les plus sévères, et affirme que le mors Baucher est plus doux. (Livre de MKW « Sommes nous cruels avec les chevaux? » chez Zulma ; son site : www.horseridingfrance.com).

Certains cavaliers prétendent qu’au contraire, l’action du mors à un effet décontractant sur la bouche du cheval. (Voir le livre sur le colloque de l’ENE sur ce sujet).

Les chevaux de compétition de haut niveau sont équipés de mors qu’ils semblent parfois bien accepter, et qui ne semblent pas les empêcher de réaliser des performances élevées.

Les ennasures (systèmes sans mors) ont des actions variables, parfois très dures aussi.

Alors que penser ? Que décider ? C’est à chacun de réfléchir en son âme et conscience, de chercher, et surtout d’observer ce que le cheval nous dit à ce propos.
Voici ce que j’ai pu observer au club, et ce que j’ai décidé :

Mon cheval Don (entier PRE) ne supportant pas le mors (mâchouillements incessants, même sans tenue des rênes), j’ai décidé de le monter sans mors, n’ayant aucun objectif personnel de compétition : j’ai d’abord utilisé un système avec doubles rênes (une paire sur la muserolle et une sur le mors), puis j’ai utilisé le side-pull seul (avec moumoute sur la muserolle) mais je trouvais qu’en dressage, cela ne facilitait pas la mise en main…j’ai donc gardé ce système pour les balades et les (rares) séances d’obstacle, mais j’ai changé de système sur le plat : actuellement j’utilise tantôt le bitlessbriddle du Dr Cook, tantôt un petit Hackamore (marque Eric Thomas : petites branches, pas de gourmette métal, pas de structure rigide sur le chanfrein et surtout réglage ample de la muserolle pour éviter les montants dans les yeux!) munit de deux paires des rênes (1 sur la muserolle et une sur le hackamore). Avec le bitless, c’est appréciable de n’avoir qu’une paire de rênes, mais le problème est qu’il y a un sytème qui ne coulisse pas très bien… Avec le hackamore double rênes il faut gérer 2 paires des rênes, mais les effets sont plus modulables et mon cheval se « plaque » moins qu’avec le bitless…quant à l’effet de « vrille » dénoncé par certains à propos du hackamore utilisé en rêne d’ouverture, je ne l’ai pas remarqué avec ce dispositif.

Au niveau des chevaux de club, J’ai pu observer bien évidemment, que les fautes de mains des cavaliers en apprentissage entraînaient de réelles gênes chez eux. Un système de doubles rênes a donc été installé à la rentrée 2008 (une paire sur le mors pour « la sécurité » et une paire sur une muserolle française équipée d’anneaux et d’une moumoute). Les cavaliers avaient pour consigne de n’utiliser le mors qu’en cas de souci. Résultat : dans l’ensemble tout c’est bien passé, mais il a fallu avoir recours au mors de temps à autre, surtout à l’obstacle, et toujours avec les mêmes chevaux…Mais 9 fois sur 10, tout allait bien sans mors. Les chevaux sont restés contrôlables et la plupart des cavaliers ont apprécié…en plus les chevaux qui avaient un port d’encolure « à l’envers » se sont mis à descendre leur nez, sans enrênement, alors qu’avant ils portaient un gogue. Les chevaux respectent beaucoup plus le mors qu’avant. Enfin en dressage, avec les galops 6 et 7, la bride à été remplacée par le système de petit hackamore doux équipés de 2 paires de rênes que j’utilise avec Don : et là les résultats sont bien meilleurs qu’avec la bride…certains chevaux qui ne cédaient pas en bride viennent désormais plus facilement sur la main.

Pour les poneys de club, l’essai a été plus tardif (Avril 2009) : je craignais qu’ils ne deviennent encore plus têtus sans mors! Nous avons donc simplement installé une seconde paire de rênes sur le licol laissé sur la tête en plus du bridon : même principe que pour les chevaux, mais moins stable (et moins cher!) : résultat : plutôt bien là aussi…mais gérer deux paires de rênes pour les enfants, ce n’est pas très pratique! C’est un coup de main à prendre!

Dès la rentrée 2009, les chevaux n’auront plus du tout de mors dans la bouche et seront tous équipés d’un petit hackamore avec 2 paires de rênes: une paire attachée sur la muserolle qui servira 9 fois sur 10, et une paire sur les branches du hackamore pour la sécurité si besoin, et pour le dressage des galops 6 et 7. Les mors ne serviront plus qu’en concours…à moins qu’enfin la monte sans mors y soit autorisée! Quant aux poneys je vais continuer ainsi pour le moment.
Pour autant, si je soutiens que la monte sans mors devrait être systématique chez les cavaliers en apprentissage, je ne sais pas si elle permet d’aller aussi loin qu’avec un mors, à plus haut niveau, et avec tous les chevaux. Je n’ai pas l’expérience pour le dire. Seulement, je pense que le but de tout cavalier qui souhaite établir une relation harmonieuse avec son cheval, devrait être d’utiliser l’ « outil » le moins contraignant possible, selon sa main et selon son cheval…c’est à dire de chercher à se passer du mors, au moins à terme!

Ce que je pense de tout cela :

– Quel que soit le système utilisé, si la main n’est pas bonne, il sera toujours trop dur…mais celui qui a la main dure devrait absolument éviter d’utiliser un mors.
– Il faut donc avant tout chercher à acquérir une bonne main! …Et une bonne main ne va pas sans une bonne assiette!
– C’est une meilleure éducation du cheval qui permet de le monter avec des moyens plus doux, et il peut être dangereux de changer de « mode de contrôle » sans revoir ses méthodes de communication! A chacun d’avancer a sa vitesse, sans négliger la sécurité.
– En matière d’ennasure, il y a encore quelques progrès à faire pour éviter les petits désagréments : muserolle qui bouge, muserolle trop fine, montants qui vont dans l’œil, doubles rênes qui tombent…pour le moment c’est le système D!

Affaire à suivre…

Un article rédigé par Chrystèle Roullier, responsable du centre équestre Alliance Nature, à Feins

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Commentaires

  1. Nadia

    De rien! Et je vous invite à venir rencontrer les cavaliers de Tandem lors la rencontre organisée par l’AACIV ce week-end lors de la fête du cheval à la Prévalaye! Le recherche de « modes de contrôle » le plus doux possible et la quête de complicité et d’harmonie sont à l’origine de cette « discipline »!

    https://www.aaciv.com/?p=616

  2. loudig lorraine

    merci nadia! je vais essayer ce système avec mon loulou! nous voyons les choses de la même façon. une bonne relation avec son cheval est primordiale!!

    lorraine

  3. Nadia

    Bonjour!!!

    Pour avoir testé plusieurs « systèmes » – et avoir commandé un chouette side-pull sur mesure, convertible en bitless bridle, chez MBF cuirs (http://sidepullmbf.voila.net/), je suis définitivement adepte du side-pull! dans la mesure ou la muserole est large et plate, ils sont plus doux que les licols corde et plus stables sur le chanfrein (les licols simples, corde ou plats, ont quand même souvent tendance à tourner!)…

    La bitless bridle est un système intéressant (qui ressemble beaucoup à un filet classique) et efficace – dans la mesure où les courroies de cuir coulissent bien sous l’auge! – dont l’action porte sur l’ensemble de la tête, chanfrein, joues et nuque; c’est donc plus sécurisant pour le cavalier! Et cela permet de travailler en encourageant une attitude « basse », pour un cheval qui aurait tendance à se « creuser »… mais le filet, avec ou sans mors, ne fait pas tout! Ce sont les aides du cavalier qui conditionnent l’attitude du cheval.

    Je pense que chacun peut trouver un système qui convient à son cheval (ils n’ont pas tous la même sensibilité aux mêmes endroits!) et, pour un cheval qui n’est pas gêné par le mors avec un cavalier soucieux de son confort, on peut très bien monter « léger » en filet simple! les cavaliers Western nous l’ont prouvé sur les rencontres Tandem! monter sans mors est surtout une preuve de confiance et oblige à repenser sa relation au cheval, en développant des modes de communication basés sur un respect mutuel… enfin, c’est ainsi que je le vois, après avoir fait plein de bêtises avec mon premier cheval, qui ne supportait plus le mors et semblait me dire « fous moi la paix, je connais mon boulot! »

    Nadia

  4. loudig lorraine

    bonjour,
    ce sujet me tiens très a coeur! avec mon cheval, j’ai opté pour un filet licol dont je retire les montant pour fixer un mors. j’ai ajouté un mouton autour de la muserolle. et voilà! petit desagrement: la muserolle remonte… je trouve les side pull trop durs au niveau du chanfrein, meme avec une main douce. j’ai essayé un licol etho, tt simplement, mais pas facile de fixer les rennes de chaque côté. en espérant que des tête pensante invente l’ennasure révolutionnaire!!

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